Marc Israël, La philosophie juive, Eyrolles Pratiques, 2012, lu par Nathalie Coulvier

Marc Israël, La philosophie juive, Eyrolles Pratiques, 2012, 236 pages.

L'ouvrage de Marc Israël se présente comme un ouvrage d'initiation, conformément à la vocation de la collection Eyrolles Pratiques. Mais c'est aussi un ouvrage qui défend une thèse.

Sa thèse : il y a une philosophie juive, et qui en esquisse les lignes directrices à travers les textes fondateurs du judaïsme et ceux de quelques philosophes modernes.

 

L'introduction présente ce que l'objet de l'ouvrage peut avoir de problématique dans sa réalité, son unité, sa continuité, et présente les choix de l'auteur. Il s'agira non pas « des philosophes juifs dont la philosophie ne s'est pas voulue juive (tels Spinoza, Bergson, Wittgenstein, Jankélévitch, Arendt ou Derrida) », mais « des philosophes juifs autant concernés par la Torah, par le judaïsme, que par la philosophie » ; il s'agira aussi, et surtout, de montrer ce qu'il y a de philosophique dans le judaïsme, même si, rappelle Marc Israël, « ni le judaïsme ni la pensée juive ne revendiquent l'appellation de philosophie ».

 

C'est une lecture nourrie de philosophie que Marc Israël nous propose, en suivant un parcours à la fois historique et ancré sur la Torah et ses commentaires. Les six parties : 1. Philosophie de la Torah ; 2. Un monde parallèle à celui de la philosophie grecque : les 'Hakhamim ; 3. Rencontre de deux mondes : philosophie alexandrine. Philon ; 4. Philosophie du Talmud ; 5. La philosophie juive médiévale ; 6. La philosophie juive moderne ; sont composées de courts paragraphes, ponctués de notes de vocabulaire expliquant aussi bien des termes relevant du vocabulaire du judaïsme, par exemple : « Vous avez dit “noachique”, “Noachides” ? », que du vocabulaire de la philosophie générale, comme : « Vous avez dit contingence ? » ; conformément à la vocation pédagogique de l'ouvrage, et dans le même esprit, à la fin de chaque partie nous sont proposés quelques exercices sous forme de questionnaires. Mais cet aspect scolaire ne saurait masquer le fait que l'ouvrage est un essai comme le présente son auteur : « Pourquoi ne pas s'essayer à voir dans le judaïsme une philosophie, à lui permettre, en tant que tradition de l’Étude telle que la pratiquent depuis toujours ceux qui ne craignent pas la philosophie, de se laisser revendiquer par celle-ci ? » (Introduction, p. 11).

 

Au fil des pages Marc Israël souligne les rapprochements que l'on peut faire entre le judaïsme et la philosophie, que se rapprochement soit justifié par le contexte historique et culturel, qu'il le soit parce que des auteurs l'ont incarné, ou bien encore plus essentiellement pour montrer ce que le judaïsme a de philosophique. Ainsi Abraham est-il comparé à Socrate, la recherche du sens qui caractérise la Torah est distinguée de la recherche de la vérité qui caractérise la philosophie, et l'auteur montre comment le judaïsme offre une pensée originale de l'être, du langage, du temps, de la morale, de l'humain, etc. La dernière partie présentant les philosophes juifs de l'époque moderne présente de manière très brève (un paragraphe chacun) quelques philosophes des XVIIIème et XIXème siècles, puis consacre quelques pages à Lévinas.

 

L'auteur parvient à nous montrer comment la connaissance de la Torah et de ses commentaires peut nourrir une pensée philosophique originale, au regard de la tradition héritée du platonisme (référence régulière au fil des pages du livre) et du monde chrétien.

Nathalie Couvlier