LES PERSES. TIMOTHÉE DE MILET Textes choisis et présentés par Laurent Calvié. Éditions Anarchasis. 2010 (lu par A. Castellan)

Les Perses, Timothée de Milet, Textes choisis et présentés par Laurent Calvié. Éditions Anachasis. 2010.

Cet ouvrage nous propose de redécouvrir ce qui fut un événement exceptionnel en 1902 : la découverte du Timotheos-Papyrus soit la version la plus complète que nous ayons du poème de Timothée de Milet intitulé les Perses. Cet événement dans l’histoire de la philologie a donné lieu finalement à assez peu de commentaires. 

Abstract :
The book presents a new critical edition of Timoteus of Miletus’s poem, The Persians, which relates the sea battle between the Greeks and the Persians. In his introduction Laurent Calvié evokes the discovery of the papyrus-fragment in 1902; he then exposes the various philological interpretations the poem generated. In this book the reader will also find an annotated translation of the poem, a literary analysis and a summary.

Monsieur Calvié nous propose de nous replonger dans le texte (la traduction qui en a été faite) et les commentaires auxquels il a donné lieu, tout en nous invitant à une lecture critique qu’il énonce parfaitement en introduction : « Sous cette forme, le présent ouvrage permettra différentes lectures, car il donne tout à la fois à découvrir un ancien poète grec méconnu, un curieux monument de la poésie nomique des Anciens et un morceau de la nouvelle musique antique qui présente une intéressante caricature des Perses et de précieux renseignements sur l'histoire de la poésie lyrique des Grecs ; forme le fond d'un chapitre de l'histoire de la philologie classique en France ; et met en lumière, de manière exemplaire, le processus de l'enroutinement de la nouveauté philologique par la soumission à l’autorité universitaire. »

L’introduction, assez conséquente, de Monsieur Calvié, nous présente le texte: de sa découverte à l’émotion qu’il a pu susciter au sein des philologues de l’époque. Elle nous invite à comprendre toutefois les limites des interprétations auxquels le manuscrit a pu donner lieu et semble proposer de livrer cet ensemble afin d’inciter des chercheurs contemporains à reprendre le flambeau là où il a été laissé... en 1902 !

La traduction de Paul Mazon qui a la particularité d’avoir été faite, de l’aveu même de son auteur quelque peu dans l’urgence afin de mettre au plus vite à la disposition du public ce texte jusque là inconnu. Le texte (dont le début est incertain) commence par le récit d’un combat maritime entre les Perses et les Grecs. Récit pour le moins imagé qui s’achève sur la défaite des Perses et la nécessité de chanter cette victoire pour le poète : « Aujourd’hui Timothée, faisant sonner sur onze cordes ses rythmes et ses mètres, donne à la cithare un essor nouveau ; par lui est ouvert le trésor où les Muses avaient caché leurs richesses mélodieuses. »

Le commentaire littéraire de Maurice Croiset commence par resituer l’ouvrage, vraisemblablement écrit entre 400 et 396 lorsque le poète avait une cinquantaine d’années tout en précisant, contre un de ses collègues, qu’il est impossible (à son avis) de déterminer pour quelle ville Timothée a composé ce nome. Ces éléments préliminaires posés, Croiset se livre à un rappel de la composition classique du nome pour nous situer ce qu’il reste du texte lui-même (une partie du morceau central, le moment final et la prière de clôture). Il s’attache ensuite à l’examen du texte retrouvé. Il montre l’influence d’Eschyle dans les formules de Timothée et souligne aussi l’influence pour lui incontestable d’Euripide à la fin des Perses à travers la récurrence du personnage du Phrygien : « Le Phrygien de la tragédie a de l’esprit, tout épouvanté qu’il est. Celui du nome ne sait que crier et se débattre ; il est encore plus près de la nature que celui de son prédécesseur. Malgré cela, il serait surprenant qu’il n’y ait pas là un souvenir. » (Page 73) Ces éléments d’histoire littéraire posés, Croiset analyse ensuite la façon d’écrire de Timothée et déplore (de façon voilée) ce qu’il perçoit comme une entreprise analytique du poète qui s’efforce de rendre avec précision les éléments techniques d’une bataille navale alors qu’il ne les maîtrise pas et de se faire le plus prosaïque possible : « C’est quand la pensée est prosaïque qu’on éprouve le besoin des expressions compliquées, qui la dissimulent. » (Page 76) Autre critique : « Un autre trait me frappe dans le style de Timothée : c’est la verbosité. [...] Cette verbosité vient de la pauvreté du génie créateur. » (Page 77) Cette verbosité est compensée malgré tout par l’élégance musicale du style : et sans doute faut-il rappeler que le nome était chanté. Pour autant, Croiset termine son analyse par une ultime critique sur le sens même du poème dont il déplore une espèce de faiblesse morale : « Et, ainsi, Timothée est arrivé - involontairement il est vrai - à réaliser cette chose vraiment étrange, un poème national, dans lequel il n’y a pas trace, non seulement d’un sentiment patriotique, mais même d’un sentiment énergique et viril. » (Page 85)

Le résumé de Maurice Croiset est, contrairement à ce que le titre pourrait laisser croire, une esquisse de la vie et l’œuvre de Timothée et non du nome lui-même.

Il me semble que tout l’intérêt de ce livre est parfaitement résumé par Monsieur Calvié : d’une part, il nous permet de retrouver l’édition la plus intégrale de l’œuvre d’un des poètes majeurs de l’Antiquité. Mais il nous permet aussi de découvrir, parfois sans doute avec une pointe d’amusement, la lecture fort critique des philologues de l’époque. Lecture certes intéressante mais dont on conçoit qu’elle mériterait sans doute d’être complétée et nuancée.

A. Castellan

LE SOMMAIRE

Timothée de Milet, victime de la routine et de l'autorité,

par Laurent Calvié ..............................................................5

Les Perses de Timothée de Milet ........................................21

I —Avant-propos, par Georges Perrot .................................23

II — Introduction, par Théodore Reinach .......................... 27

III — Traduction et notes, par Paul Mazon ........................ 51

IV — Commentaire littéraire, par Maurice Croiset………..59

 V — Bibliographie, par Seymour de Ricci ........................87

VI — Résumé, par Maurice Croiset .................................. 91