Mais avant la photographie, la peinture a joué ce rôle consistant à fixer les images. Les peintres romantiques se sont plu à figurer des paysages mélancoliques dans la brume, sous la lune ou au coucher du soleil.

Un des exemples les plus fameux est celui du tableau de Caspar David FRIEDRICH  : Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages (1818), une huile sur toile exposée à Hambourg en Allemagne.  Le jeu des contrastes met en opposition les couleurs sombres en forme de pyramide, et les couleurs claires qui l'encadrent. Le regard porte au loin. Le personnage, vu de dos, pris entre le ciel et la terre, est en pleine contemplation d'une nature grandiose. Chez les romantiques, la nature est un prétexte pour dépeindre les sentiments. Le personnage (Friedrich lui même ?) est seul à l'admirer si on ne compte pas les millions de spectateurs que nous sommes.

 

D'autres ont poursuivi dans ce sens. Vous devez faire la connaissance du travail des peintres paysagistes. Comme leur nom l'indique, ils se sont attachés à peindre la nature avec beaucoup de réalisme. La Husdon River School, fondée aux États-Unis au XIXe siècle, est un courant artistique dont les chefs de file sont Thomas COLE (1801-1848, voir L'Expulsion du jardin d'Eden) et surtout Albert BIERSTADT (1830-1902). Ces auteurs sont connus pour avoir parcouru le pays et en avoir tiré des toiles magnifiques en grand format. Un exemple avec Among the Sierra Nevada, California (1868) exposé au Smithsonian American Museum of Art, à Washington. Le tableau fourmille de détails, son réalisme est saisissant, une fenêtre s'ouvre sur le monde et donne l'impression de faire partie de ce paysage. La scène ici n'est pas authentique, car elle a été peinte en atelier d'après des esquisses, à Rome ; toutefois, elle est vraisemblable. Le jeu sur les lumières, la profondeur du champ, les contrastes sont particulièrement réussis et non, ce n'est pas une photo ni un dessin assisté par ordinateur.

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La découverte des grands espaces d'Amérique du Nord a été une tentation pour de nombreuses personnes que ce soit pour le plaisir ou pour un défi personnel. C'est ce que raconte l'écrivain Jon KRAKAUER (1954-) dans son récit Into the Wild (1996). Il nous présente la tragique histoire vraie du jeune Christopher Mac Candless, issu d'une famille aisée, qui choisit de tout abandonner pour vivre seul en pleine nature sauvage. Sean PENN (1960-) en a réalisé une adaptation remarquée : Into the Wild (2007) qui donne l'occasion de filmer les paysages d'Alaska parcourus par une jeune homme en quête de repères et en conflit avec la société. La bande originale composée par le musicien Eddie VEDDER (1964-) ajoute une touche supplémentaire tout en mélancolie et contemplation. Des titres comme "No Ceiling" (Pas de plafond), "Long Night" (La Longue Nuit), "Society" (la Société), "Hard Sun", ou  "End of the Road" (La fin de la Route), traduisent ce long périple vers la liberté. Les guitares, l'ukulélé et le banjo créent une ambiance folk ou country selon les morceaux et renvoient à une Amérique traditionnelle, douce et rebelle à la fois.

 

Les peintres russes Ivan CHICHKINE (1831-1898) et Konstantin SAVITSKY (1844-1905) offrent d'autres exemples de représentations fidèles de la nature  avec Un matin dans une forêt de pins (1886) exposé au Musée Tretiakov  à Moscou. La présence des oursons au milieu des arbres nous indique une nature vivante et bien portante. La lumière apporte une douceur supplémentaire à l'ensemble.

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« Utro v sosnovom lesu / Un matin dans une forêt de pins» par Ivan CHICHKINE — Downloaded from [1]. Sous licence Public domain via Wikimedia Commons.

La forêt est un lieu ambivalent (on peut la considérer de deux façons opposées). Elle est tour à tour un lieu des mystères et de magie si on pense à la forêt de Brocéliande où vit Merlin l'Enchanteur de la légende arthurienne (voir AUTOUR DU HOBBIT 2/3) ;  un lieu d'aventures comme pour Tarzan de Edgar RICE BURROUGHS ;  un  lieu d'apprentissage comme pour Mowgli du Livre de la Jungle de Rudyard KIPLING;  un lieu d'isolement, qui coupe du reste de l'humanité comme pour Yvain le chevalier devenu fou ou Perceval protégé à l'excès par sa mère dans la "Gaste Forêt" dans les romans de CHRÉTIEN DE TROYES.

Par ailleurs, c'est sous les racines des arbres que Jules VERNE (1828-1905) a placé l'un de ses récits les plus connus : Voyage au centre de la Terre (1864 et 1867) qui relate les aventures du Professeur Lidenbrock, de son neveu Axel et de leur guide Hans.

Les trois hommes, suite à la découverte d'un message codé laissé par le savant Arne Saknussemm, partent en Islande. Le volcan Sneffels doit leur révéler un passage qui mène au centre de la Terre. Comme toujours, VERNE nous livre un roman scientifique dans lesquels il mêle le fruit de ses recherches documentaires à la mise en scène des aventures des personnages. Dans ce récit, on marche beaucoup, "Le sol se ressentait du voisinage de la montagne dont les racines de granit sortaient de terre, comme celles d’un vieux chêne" (chapitre 13), "Nous marchions sur ces roches pesantes d’un gris foncé que le refroidissement avait moulées en prismes à base hexagone. Au loin se voyaient un grand nombre de cônes aplatis, qui furent jadis autant de bouches ignivomes" (= qui crachent du feu) (chapitre 15). On voit toutes sortes de pierres, les entrailles du sol nous dévoilent leurs secrets avec leurs noms les plus mystérieux : "Je ne sais si le plus enragé géologue eût essayé d’étudier, pendant cette descente, la nature des terrains qui l’environnaient. Pour mon compte, je ne m’en inquiétai guère ; qu’ils fussent pliocènes, miocènes, éocènes, crétacés, jurassiques, triasiques, permiens, carbonifères, dévoniens, siluriens ou primitifs, cela me préoccupa peu" (chapitre 17).

Un extrait de Voyage au centre de la Terre de Jules VERNE

L'aventure nous entraîne vers ce cœur de la Terre, un endroit particulièrement chaleureux.




La suite dans DÉPEINDRE LES ÉLÉMENTS 2/4 : Le sel de la Terre,  b. La traversée du désert

 

Le mois prochain, retrouvez AUTOUR DU HOBBIT, Tolkien et les mythes d'hier à aujourd'hui...


En janvier, vous lirez AU MATIN DU MONDE, l'art du commencement...

N. THIMON