Le mythe du loup-garou trouve ses racines dans la lointaine antiquité où l'on parle de lycanthrope, mot d'origine grecque (lycos = loup et anthropos = homme). C'est encore à OVIDE, le poète latin, dans ses Métamorphoses, que nous devons un texte précis sur une des origines mythologiques de cette créature. Dans le 1er livre, le poète raconte que Lycaon, tyran d'Arcadie, une région de Grèce, s'était fait connaître pour son extrême cruauté et son mépris des dieux. Jupiter le punit, alors "il s'enfuit, et, réfugié dans le silence de la campagne, il pousse de longs hurlements" ; puis, "ses vêtements se muent(1)  en poils, en pattes ses bras ; il devient loup […]  ; il reste l'image vivante de la férocité"(2). La transformation est l'accomplissement d'un châtiment divin.



Au Moyen-Âge, Marie de FRANCE (XIIe siècle) a obtenu la célébrité grâce à des lais, ce sont de courts récits en rimes dont plusieurs illustrent la "matière de Bretagne" : des récits merveilleux faisant intervenir des êtres surnaturels. L'un d'eux porte le titre de Bisclavret. "Bisclavret :  c'est son nom en breton mais les Normands l'appellent Garou". L'histoire rapporte comment un chevalier avoue à sa femme  : "Dame, je deviens loup-garou. Je m'enfonce dans cette grande forêt au plus profond du bois, et j'y vis de proies et de rapines". Pour son malheur, il précise : "si je perdais mes vêtements et que l'on découvrait la vérité, je serais loup-garou pour toujours". Allez découvrir ce que son épouse fera de cette information(3). On peut remarquer que nous avons ici une histoire équivalente à celle de Mélusine (voir "Cœur d'homme, peau de bête III : Langue de serpent")  si ce n'est que le personnage merveilleux est cette fois un homme au lieu d'être une femme. Toutefois, nos sommes encore loin de l'être maudit qui cherche à répandre la mal en mordant le premier venu. Les plus jeunes lecteurs pourront également se tourner vers le roman d'Alain SURGET Le Renard de Morlange, qui aborde un sujet semblable avec les mésaventures du méchant comte de Morlange.

D'autre part, le mot lupin était employé dans le Berry pour désigner cette créature nocturne. Selon Maurice SAND (1823-1889), le fils de la romancière George SAND (1804-1876), "les lupins (ou lubins) sont des animaux fantastiques qui, la nuit, se tiennent debout le long des murs et hurlent à la lune".  La pleine lune joue un rôle important puisque c'est souvent à cause d'elle que l'humain se change en loup. Le dessin qu'il en fait illustre les croyances folkloriques de l'époque.

On comprend mieux le choix fait par J.K. ROWLING dans Harry Potter (à partir du troisième tome  Le prisonnier d'Azkaban) lorsqu'elle nomme l'un de ses professeurs Remus Lupin. Son prénom  fait référence au frère jumeau de Romulus, élevé avec lui par la louve romaine.En outre, dans cette même série romanesque, intervient un personnage maléfique nommé Fenrir Greyback, Son prénom renvoie cette fois à la mythologie scandinave  dans laquelle il désigne le fils du dieu Loki. C'est un loup malfaisant  et gigantesque qui avait arraché la main du Dieu Tyr et qui tuera Odin, les chef des dieux, lors du Ragnarök, la dernière bataille entre les dieux d'Asgard et tous leurs ennemis monstrueux. Cette connaissance nous informe sur la nature et la fonction du personnage ainsi nommé dans Harry Potter, sans qu'il ait besoin d'agir ni de parler.

 


La vision qu'en donne Lucas Cranach l'Ancien (1472-1553) est révélatrice de l'épouvante que doit inspirer le monstre mi-homme mi-loup. Sur une des  gravures de l'artiste, datant de 1512, on voit un homme chevelu à quatre pattes, une victime humaine entre les dents, semant la terreur dans un village.






















Par la suite, le XIXe siècle nous a offert Dracula (1897)(4) de Bram STOKER (1847-1912). Notamment dans L'invité de Dracula, publié séparément, le narrateur Jonathan Harker fait part dans un morceau de son journal intime de ses mésaventures. Il est en route dans les Carpates, en Roumanie, pour le château de Dracula  dont il ne sait pas grand chose. Lors de nuit de Walpurgis (pendant laquelle on raconte que les morts quittent leur tombe et que le diable cherche des proies) il est emmené par un être surnaturel dans un cimetière et en sortant de l'évanouissement il dit : "je vis au-dessus de moi les grands yeux flamboyants d'un loup gigantesque. Ses dents blanches, longues et pointues, brillaient dans sa gueule rouge béante". Le héros est sauvé par des hommes qui confirment que la bête était "un loup... mais pas tout à fait un loup". Dans le reste du roman, Jonathan entend  dans la bouche des Roumains qui l'accompagnent les mots  "vrolok et vlkoslak, quelque chose comme vampire et loup-garou" (journal de Jonathan Harker, 5 mai). Plus tard, le professeur Van Helsing nous apprend de Dracula qu'il "peut se changer en loup"  (cité dans le journal de Mina Harker, 30 septembre) ; d'autre part, "s’il avait le pouvoir de se déplacer à son gré, il pourrait le faire sous la forme d’un homme, ou d’un loup" (journal de Mina Harker 30 octobre au soir). Le récit fantastique prend toute son ampleur grâce au pouvoir d'un être effrayant, maléfique et nocturne.

Les films consacrés au loup-garou sont extrêmement nombreux et ils explorent, chacun à sa manière, comment un homme supporte sa malédiction : entre bête assoiffée de sang dans Le Loup-garou (1941) de George WAGGNER ; serviteur en révolte contre les vampires dans Underworld 3 (2009) de Patrick TATOPOULOS  ; et monstre romantique dans les adaptations de Twilight d'après les romans de Stephenie MEYER...  Vous n'avez plus d'autre choix que de hurler avec les loups.

 

 

La suite dans une semaine avec "Cœur d'homme, peau de bête III : langue de serpent"

 

Le mois prochain, vous lirez  : "Science et fiction", les inventeurs de rêves...

 

NOTES :

1 : se muent = se transforment.

2 : Traduction de Joseph CHAMONARD, Ed. G-Flammarion.

3: Traduction de Laurence Harf-Lancner, Livre de Poche.

4 : Citons quelques unes des premières adaptations cinématographiques : Nosferatu le vampire (1922) un film muet de Friedrich Wilhelm MURNAU (1888-1931), le titre est différent pour des questions de droits d'auteur non accordés ; Dracula  (1931) de Tod BROWNING (1880-1962) avec Bela LUGOSI dans le rôle titre ; Le Cauchemar de Dracula (1958) de Terence FISCHER (1904-1980) avec Christopher LEE...)

N. THIMON