Les temps antédiluviens - "avant le déluge", d'après le latin - désignent une époque si ancienne qu'elle a précédé la catastrophe. Le déluge est un châtiment qui vient à chaque fois punir une humanité encore jeune. Comme un père plein d'autorité auprès d'un enfant turbulent, le dieu manifeste sa puissance et sa colère en détruisant tout ou presque. Les survivants gardent la mémoire du danger pour éviter de retomber dans les mêmes travers. Les diverses cultures à travers le monde rapportent des récits d'un tel cataclysme et donnent envie de chercher des preuves historiques. Ici ne seront abordés que trois versions. D'autres aspects seront abordés dans LES UTOPIES DES MONDES MEILLEURS ? 2/3 : Les cités englouties et C'EST L'APOCALYPSE ! 3/3 : L'apocalypse selon J.G. BALLARD.

Le récit le plus connu se trouve dans la Bible.  (Gn VI, 5 et sq.) "Dieu vit que la méchanceté de l'homme se multipliait sur la terre  ; à longueur de journée, son cœur n'était porté  qu'à concevoir le mal et le Seigneur se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre. Il s'en affligea et dit : "J'effacerai de la surface du sol l'homme que j'ai créé, homme, bestiaux, petites bêtes et même les oiseaux du ciel car je me repens de les avoir faits".

Seuls Noé est sa famille ont le droit de survivre. Selon les indications de Dieu, il construit une arche pour se protéger, lui, sa famille et des couples de tous les animaux de la terre. La pluie s'abat pendant quarante jours et quarante nuits (quarante est le nombre associé à l'épreuve), recouvrant les reliefs et les vivants. Retrouvez le récit :

Le Déluge, chapitre 7 et 8 de la Genèse, dans la Bible

L'arche se serait échouée sur le Mont Ararat, un sommet très élevé, émergeant de l'eau, en actuelle Turquie.

A travers les siècles, des explorateurs en tous genres ont cru retrouver du bois du bateau de Noé. Même l'US Air Force a pris de photos de "l'anomalie de l'Ararat", pour vérifier. Sans succès(1).

« Anomalie de l'Ararat 1949 ». Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.

Gustave DORÉ (1832-1883) a gravé sur le bois et dans nos mémoires une représentation célèbre de l'arche. Ses illustrations de la Bible font partie des plus marquantes. N'hésitez pas à les feuilleter en vrai ou en ligne grâce au lien ci-dessous vers la Bibliothèque Nationale de France. L'arche qu'il a dessinée n'est pas le cube décrit par le texte biblique, toutefois, sa forme arrondie lui donne aspect confortable et protecteur ; sa masse imposante qui surplombe une terre ravagée en fait la dernière forteresse de l'humanité ; les rayons lumineux qui l'encadrent attestent son rôle divin ; enfin, la colombe qui parcourt ces lieux désolés, au centre de toutes les parties symétriques de l’œuvre, est le seul être vivant visible, elle devient la promesse d'un avenir radieux.


La Sainte Bible selon la Vulgate. Traduction nouvelle avec les dessins de Gustave Doré. Tome 1
Source: gallica.bnf.fr

Le réalisateur Darren ARONOFSKY (1969-) a donné sa vision du Déluge en se concentrant sur l'histoire de son personnage principal. D'abord dans sa bande dessinée Noé (2011) avec Niko HENRICHON au dessin, puis dans son film Noé (2014), il a donné un vision très personnelle du grand cataclysme et du caractère du patriarche. A chaque fois l’esthétique visuelle est travaillée de sorte à rendre les images frappantes.

Les Métamorphoses d'OVIDE en donnent une version poétique et mythologique. Furieux de constater les méfaits de Lycaon qui défie les dieux (voir CŒUR D'HOMME, PEAU DE BÊTE 2/4 : Hurlez avec les loups), mais aussi des autres hommes, Jupiter décide de punir l'humanité : "il va consommer sous les eaux la perte du genre humain et, de tous les points du ciel, faire crever les nuages". Seul couple dans une barque, Deucalion et Pyrrha seront sauvés et devront repeupler la Terre après la catastrophe. Lisez le récit de cette catastrophe en suivant le lien ci-dessous :

Le Déluge, premier livre des Métamorphoses d'OVIDE(2)

Mais la version écrite la plus ancienne se trouve dans L'épopée de Gilgamesh. Il s'agit du plus ancien texte épique découvert à ce jour. Ce récit extraordinaire datant du IIIe siècle avant notre ère, contient en germe de nombreux motifs que l'on retrouvera dans les récits bibliques, rédigés plus tard. Le héros Gilgamesh, roi d'Uruk, une grande ville de Mésopotamie, est parti en quête de l'immortalité après la mort de son meilleur ami Enkidu. Aux frontières du monde connu, il fait la connaissance du vieil Uta-Napishti. Celui-ci lui fait le récit de la colère d'Enlil, le chef des dieux, qui a décidé d'anéantir les hommes sous un déluge d'eau. Le vieil homme et sa femme, inspirés par le dieu Ea se sont construit une Arche, de forme cubique, pour résister aux flots. Comme le fera Noé dans le récit biblique , Uta-Napishti prend avec lui un couple de chaque espèce d'animaux. Les réserves d'eau douce du ciel se déversent sur la terre, balayant toute forme de vie. Enlil qui croyait avoir détruit tous les humains accorde finalement l'immortalité à Uta-Napishti et à sa femme, à condition qu'ils restent pour toujours à l'écart du monde.

Au sens propre comme au sens figuré, le déluge vient laver la Terre, salie par la faute des hommes méchants. Désormais, le monde est libéré de la colère divine, l'humanité doit se prendre en charge, regrettant parfois le temps où le monde était jeune.

Pour retrouver le paradis perdu, le mois prochain vous lirez LES UTOPIES, DES MONDES MEILLEURS ? 1/3 : L'île idéale.

N. THIMON

NOTES : 

1 :Le n°147 d'août 2014 des Cahiers de Science et vie, "L'origine des mythes", consacre un article très intéressant sur les récits de déluge à travers le monde.

2 : Au terme du déluge, Deucalion et Pyrrha jettent des pierres qui deviendront les nouveaux êtres humains. Ce geste confirme les visions développées dans l'article AU MATIN DU MONDE 1/3 : Récits de création, c. Né de la Terre.