Ce travail prépare l'épreuve anticipée de français au baccalauréat. Certes il s'agit du niveau collège, mais il est bon de s'interroger assez tôt sur les textes, leur sens et leurs effets.

Au brevet, les questions vous invitent à analyser, interpréter le texte, si possible dans une réponse à la fois structurée et développée, s'appuyant sur des relevés, des procédés et des analyses du texte.

Texte support : lettre à Lou d'Apollinaire (1915)

"Quatre jours ! mon amour, pas de lettre de toi
Le jour n'existe plus, le soleil s'est noyé
La caserne est changée en maison de l'effroi
Et je suis triste ainsi qu'un cheval convoyé

Que t'est-il arrivé ? souffres-tu, ma chérie ?
Pleures-tu ? Tu m'avais bien promis de m'écrire
Lance ta lettre, obus de ton artillerie,
Qui doit me redonner la vie et le sourire.

Huit fois déjà le vaguemestre a répondu
"Pas de lettres pour vous" Et j'ai presque pleuré
Et je cherche au quartier ce joli chien perdu
Que nous vîmes ensemble, ô mon cœur adoré

En souvenir de toi longtemps je le caresse
Je crois qu'il se souvient du jour où nous le vîmes
Car il me lèche et me regarde avec tendresse
Et c'est le seul ami que je connaisse à Nîmes

Sans nouvelles de toi je suis désespéré
Que fais-tu ? Je voudrais une lettre demain
Le jour s'est assombri, qu'il devienne doré.
Et tristement, ma Lou, je te baise la main"


La question est la suivante : Comment Apollinaire parvient-il à demander une réponse de sa bien-aimée ?


1ère étape : le relevé

On relève les mots ou les extraits qui concernent l'axe d'analyse (les images) et on identifie les procédés. On souligne, on surligne... on peut utiliser une couleur en particulier pour un procédé précis. Surtout, on ne perd pas de temps à recopier les citations.

Dans cet article nous allons les recopier, en indiquant parfois le procédé employé :

  • "Le jour n'existe plus, le soleil s'est noyé" : métaphore
  • "La caserne est changée en maison de l'effroi"
  • "je suis triste ainsi qu'un cheval convoyé" : comparaison
  • "Lance ta lettre, obus de ton artillerie" : métaphore
  • "Le jour s'est assombri, qu'il devienne doré" : métaphore filée

2ème étape : la rédaction

La rédaction doit suivre ces principes sacrés : les relevés du texte doivent être si possible nommés et obligatoirement analysés en vue de répondre à la question bilan.

Il peut être bon d'organiser les relevés. Par exemple, on va faire la distinction entre deux fonctions des images : celles qui servent à exprimer la tristesse (premier élément de réponse) et celles qui servent à demander explicitement une lettre (deuxième élément de réponse).

Chaque élément de réponse s'organise autour d'un paragraphe, qui répond aux exigences de ce triangle de l'analyse littéraire :


Voici ce que cela peut donner (attention : au brevet le développement est proportionnel au nombre de points et dépendra du temps dont vous disposerez) :

     Dans son poème (et aussi sa lettre), Apollinaire exhorte Lou à entretenir la correspondance.

      Tout d’abord, les images servent à exprimer la tristesse voire le désespoir du poète causé par l’absence : « je suis triste ainsi qu’un cheval convoyé » (v. 4).  Cette comparaison rend bien explicite cette tristesse. Reste implicite la référence au convoi, qui peut être compris comme un convoi funèbre… l’absence de l’autre et de lettres transforme ainsi cette tristesse en désespoir. Ce dernier est particulièrement lisible dans la métaphore suivante : « Le jour n’existe plus, le soleil s’est noyé » (v. 2). Le poète en vient même à filer la métaphore à la fin du poème, comme pour encadrer sa lettre d’un désespoir dont il veut convaincre sa destinataire : « Le jour s’est assombri » (v. 19). L’absence de lettres non seulement plonge le poète dans le désespoir et la solitude mais aussi désincarne le monde de toute présence. Quant à la caserne militaire, symbole de destruction et de mort en temps de guerre (la Première Guerre Mondiale), elle ne résiste pas non plus à l’absence de Lou : ce n’est plus la guerre mais l’absence de Lou et de lettres qui la transforme en « maison de l’effroi »… L’épreuve martiale devient l’épreuve de l’amour. C’est par ce réseau d’images qu’Apollinaire exprime un désespoir dont le but, dans une lettre comme celle-ci, est d’émouvoir la destinataire pour la persuader à écrire des lettres.

       Ensuite ce poème a pour finalité, directe ou indirecte, de demander (voire d’exiger) des lettres. C’est ce qui explique la métaphore suivante, formulée à l'impératif : « Lance ta lettre, obus de ton artillerie » (v. 7). Dans ce contexte de guerre, Apollinaire a recours à un comparant qui lui est familier, l’ « obus », qui représente la lettre de Lou. L’ « artillerie » de Lou symbolise l’ensemble des traits qui la rendent séduisante et aimable aux yeux d’Apollinaire, mais également son « artillerie » verbale, perçue par le poète comme charmante et miraculeuse. En effet la lettre de Lou est censée ressusciter et transcender le jour, le rendre « doré ». Par cette association d’images, nous pouvons comprendre  que le poète attend de la lettre de Lou qu’elle entre en concurrence avec la guerre et qu’elle mette fin, par l’expression amoureuse, aux visions d’horreur générées par la guerre et, surtout, par l'absence de l'être aimé.

 

Comparez la structure du paragraphe par rapport au triangle de l'analyse littéraire : le lecteur a ainsi avancé toutes les preuves nécessaires à son interprétation. Plus d'explications ci-dessous :